J.M. HEBTING, M.K.D.E., 4 bis rue Nozeran
34000 Montpellier,
N. VARAUD, M.K., 2, rue Dubreuil, F34000 Montpellier,
P. JAMMET, Praticien hospitalier, C.R.F, Hôpital La Peyronie, F34000 Montpellier.
L'expérience nous permet d'affirmer que toute cicatrice
peut être améliorée par une masso- kinésithérapie adaptée. Pratiquée précocement,
le pronostic est toujours bon. Elle peut même éviter dans un certain nombre
de cas la reprise chirurgicale. Mais pour cela elle doit être réalisée
par un kinésithérapeute compétent.
Où la pratiquons-nous ?
Toute cicatrice, traumatique ou chirurgicale, est améliorée par une kinésithérapie
adaptée. Celle-ci est cependant particulièrement intéressante dans la
traumatologie ou la chirurgie orbito-palpérale. Peu de lésions dans ce
domaine échappent à notre intervention. Cela est vrai à condition que
le thérapeute utilise à bon escient toutes les techniques masso-kinésithérapiques
et ne se contente du seul massage.
Quand la pratiquons-nous ?
Nous avons écrit par ailleurs (3) que le traitement kinésithérapique devait
intervenir le plus précocement possible. L'idéal est de le démarrer dans
la semaine qui suit l'ablation des points pour la kinésithérapie de la
cicatrice et au plus tôt après la lésion (donc avant cette ablation) s'il
s'agit d'un traitement par drainage lymphatique manuel (4). La durée moyenne
du suivi kinésithérapique excède rarement trois mois.
Pourquoi la pratiquons-nous ?
Elle est soit une alternative, soit un complément de la chirurgie.
Ses objectifs sont :
- étant un complément
à la chirurgie, elle veille à avoir une action anti-œdémateuse et anti-rétraction
;
- étant une alternative
à celle-ci, elle peut permettre d'éviter une reprise chirurgicale. En
ce cas le bénéfice est multiple:
1) reprise chirurgicale
= autre cicatrice ;
2) reprise chirurgicale
= nouvel arrêt d'activité, problèmes;
3) reprise chirurgicale
= cicatrice fraîche à traiter.
En bref soit cette kinésithérapie supprime le besoin d'une chirurgie secondaire,
soit elle permet celle-ci plus tôt et en de meilleures conditions pour
un meilleur résultat, soit enfin elle parfait le résultat de la chirurgie
secondaire.
Comment la pratiquons-nous ?
La kinésithérapie des cicatrices nécessite indifféremment de faire appel
au drainage lymphatique manuel (5), au massage ou encore à la physiothérapie
(2) et à l'hydrothérapie.
ŒDÈME PALPÉBRAL
Il s'agit de l'indication qui pose un maximum de problèmes au chirurgien
ophtalmologiste. Le drainage lymphatique manuel offre le meilleur pronostic
en ce cas. Son effet est rapide, perceptible en général dès la 3e ou 4e
séance. Il doit être débuté immédiatement 3 ou 4 jours après le traumatisme.
Son résultat est tributaire de la compétence du thérapeute. La qualité
et la rapidité de ce résultat sont cependant conditionnées par la présence
d'une cicatrice latéro-oculaire. La présence d'une telle cicatrice entrave
notablement le libre écoulement de la lymphe et retarde d'autant l'obtention
d'un bon résultat (fig. I). L'intérêt d'une résorption rapide est de rétablir
une vision binoculaire normale qui rend l'appréciation correcte des distances
et profondeur et de permettre des soins ophtalmologiques plus aisés.
L'ECTROPION,
ou
renversement en dehors du bord libre de la paupière (fig. .2) limite l'efficacité
du balayage de l'oeil par cette paupière et/ou compromet la mise en place
d'une prothèse. Indication la moins favorable quant à un bon résultat
par masso-kinésithérapie, notre intervention consiste donc à lutter contre
la cause de cet ectropion en utilisant tout l'arsenal thérapeutique dont
nous disposons : massage à visée anti-rétraction, de type étirements orthodermiques
ou petits pétrissages ou pincer de Jacquet-Leroy, vacuomobilisation à
pressions moyennes : 300 mm de Hg en mobilisations transversales faites
de proche en proche sur toute la longueur de la lésion, douche filiforme
à pression moyenne : 12 à 15 bars à visée de micro-massage. Cette lésion
n'est pas une lésion à solution kinésithérapique. Nous permettons simplement
au chirurgien de l'aborder dans de meilleures conditions et nous pouvons
être amenés à retraiter cette lésion après sa réintervention.
PSEUDO-PTOSIS TROMATIQUE (fig. 3)
Il
est du ressort de la rééducation principalement qui demande, pour en accroître
l'efficacité, qu'un massage soit pratiqué au préalable. Mal appliquée,
cette rééducation peut engendrer des compensations. Elle exige donc d'être
rigoureuse. La prise de conscience et le contrôle d'une bonne motricité
nécessitent
- que la correction
par le kinésithérapeute soit parfaite ;
- que le travail
soit fait devant une glace. Le résultat ne sera bon que grâce à une collaboration
parfaite du patient, sous forme de travail répété à son domicile, par
séquences pluriquotidiennes devant une glace.
CICATRICE PALPÉBRALE (fig. 4)
Son résultat est directement tributaire de la direction de la plaie.
-
Horizontale:
Pronostic excellent, celle-ci ne requiert que très rarement d'être
massée. Elle n'évolue pas vers la rétraction. La durée du traitement est
courte. Notre intervention peut débuter plus tardivement et nous procédons
par massage défibrosant, vacuomobilisations et douche filiforme. Le bon
résultat doit être obtenu en 15 à 20 séances.
- Verticale
:
Son évolution se fait vers la rétraction et sa sanction est une paupière
en " chapeau de gendarme " . En ce cas il persiste une inocclusion résiduelle
qui peut être très importante, compromettant la protection et l'humidification
de l'oeil. Cette séquelle peut, sinon être évitée, du moins limitée à minima
par un traitement rigoureux.
Il doit être instauré le plus rapidement possible et consiste en massage
: étirements orthodermiques de Morice (6) en toutes directions, pétrissages
transversaux, palper-rouler sur toute la longueur de la cicatrice, pincer
de Jacquet-Leroy. L'abord difficile d'une telle cicatrice nous fait recourir
au bâtonnet de massage (1) (Deuser Massagestäbchen). Les vacuomobilisations
exigent l'utilisation de la ven-touse la plus petite et une pression très
élevée (600 mm de hg). nous pratiquons avec elle des étirements en toutes
directions, des mouvements de torsion ou de reptation, des mouvements
de torsion et étirements vers la surface. La seule technique de physiothérapie
utilisable ici est l'ionisation médicamenteuse (20 min.) à faible intensité
et à visée défibrosante. La douche filiforme intervient en fin de séance
à faible pression (12 bars) en veillant à ne pas léser l'oeil, donc en
appliquant le jet sur la cicatrice et elle seule (jet à 1 ou 2 sorties).
CONCLUSION
Cette chirurgie fait encore appel trop rarement à
la masso-kinésithérapie qui peut lui rendre les services les plus émérites.
Notre potentiel y est énorme pour le plus grand profit tant du patient
que du chirurgien. Mais cela exige que le chirurgien puisse œuvrer en
toute confiance, s'agissant d'un kinésithérapeute compétent et conscient,
en lui confiant le patient le plus tôt possible.
BIBLIOGRAPHIE
1. DEUSER E. - Schnell wieder fit. Verlag Binte-Dohamy, 1973.
2. DE BISHOP G., DUMOULIN J. - Électrothérapie, 4° édition. Maloine, Paris 1980.
3. HEBTING J.M. - La kinésithérapie des cicatrices. Ann. Kinésithér:, 1987, 14, 541-547.
4. HEBTING J.M., DOTTE J.P. - Traitement kinésithérapique des cicatrices. In Rééducation des fracas de la face, Masson Édit., Paris, 1991, 75-90.
5. LEDUC A. - Le drainage lymphatique. Théorie et pratique. Masson Édit., Paris, 1983.
6. MORICE R. - Le massage en dermatologie In : La thérapie manuelle. Baillères, Paris, 1963, 195-201.
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